Les entreprises familiales présentent une dynamique unique où les relations personnelles et professionnelles s'entremêlent.
Bien souvent, on mêle les casquettes d’actionnaires et d’administrateurs.
Trop peu de personnes comprennent la distinction de compétence entre un actionnaire qui a le droit de parole, principalement, en assemblée générale, et un administrateur, qui siège au conseil d’administration, pour déterminer la stratégie et la gestion opérationnelle de la société.
Les conflits d’intérêt entre actionnaires familiaux sont fréquents et provoquent des frictions importantes, voire une paralysie complète du fonctionnement de l’entreprise. C’est surtout le cas si un des frères surfacture ses prestations à la holding pour des prestations en partie inexistantes.
Les conflits entre frères associés, et où entre frères et sœurs, menacent non seulement l'entreprise, mais aussi l'harmonie familiale. On ne se voit plus pour les événements familiaux et si on habite les mêmes quartiers, on s’évite. Ces différends sont révélateurs de blessures du passé non solutionnées qui refont surface à un moment donné. Plus on fuit, plus ça revient jusqu’au moment où ça devient irrespirable et épidermique. L’émotionnel à fleur de peau prend l’argent et l’entreprise en otage pour régler ses comptes.
Pendant ce temps-là, un membre de la famille veut juste son exit pour faire sa vie sans lien avec l’entreprise familiale. Et, un autre membre veut tout le pouvoir en interne dans la société et estime que l’autre actionnaire est un boulet à dégager. Tout est possible.
En général, cela implose particulièrement au décès d’un des membres fondateurs, et ou d’un des frères et sœurs, dans le cadre de holdings financiers et opérationnels d’envergure.
Identifier les sources de conflit apparents
- Divergences de vision ou de stratégie : des différences d'opinion sur la direction à prendre émergent, notamment lorsque les frères et où sœurs ont des expériences ou des ambitions distinctes non compatibles.
L’un a une vision claire sur un secteur en concentration et estime que le moment est venu de vendre tout le groupe. L’autre s’obstine à faire semblant de produire une rentabilité – à peine - suffisante sur son pôle d’activité.
- Problèmes de gestion ou de communication : une mauvaise répartition des responsabilités ou un manque de communication claire peut engendrer des malentendus et des tensions. Si les frères et sœurs ont pour habitude de gérer chacun seul leur pôle d’activité tels que, par exemple, la gestion immobilière et/ou des éoliennes ou encore des blanchisseries, ça peut marcher.
Par contre, si on mélange toutes les casquettes dans chaque pôle d’activité, c’est rapidement la zizanie.
- Impact émotionnel des relations familiales : les rivalités fraternelles ou les attentes familiales exacerbent les désaccords professionnels. Gérer de l’argent entre associés non familiaux est difficile. Entre frère et sœur, c’est encore un challenge à un autre niveau.
Quels recours juridiques envisager ?
- Rôle de l’avocat en amont du conflit : un avocat spécialisé peut aider à anticiper les conflits en rédigeant des statuts clairs et en établissant des pactes d'associés adaptés. Le but est d’être pratique et efficace sans usine à gaz.
- Tentative de médiation ou de conciliation : avant d'engager des procédures judiciaires, une médiation peut permettre de trouver un terrain d'entente, préservant ainsi les relations familiales et professionnelles. Toutefois, avant de partir en médiation la fleur au fusil, on doit se préparer minutieusement. On ne parle pas de processus de paix sans avoir un effet de levier pour négocier. Sinon, ça revient à mettre un Bisounours dans une piscine avec un crocodile ravi de le dévorer tout cru.
- Possibilité de désignation judiciaire d’un mandataire : en cas de blocage insoluble à l’amiable et en dernier ressort, le tribunal peut nommer un mandataire chargé de gérer temporairement la société et de faciliter la résolution du conflit. C’est la solution ultime quand toutes les autres actions concrètes possibles faisant fonctionner les organes de la société restent sans résultat.
Dans pareil cas, il convient de faire attention à la réputation de la société si les banques ont octroyé des crédits court terme comme des straight loan. Avant de demander la désignation d’un administrateur provisoire, il est nécessaire d’avoir des preuves solides démontrant l’urgence et le besoin de mesures provisoires pour préserver les intérêts de la société.
Comment se protéger légalement ?
- Clauses à prévoir dans les statuts : intégrer des clauses d'exclusion ou de sortie forcée permet de prévoir les modalités de séparation en cas de désaccord majeur. Au plus les enjeux financiers sont importants, au plus les ruptures sont violentes. Une clause de sortie conjointe est très utile aussi pour forcer tout le monde à vendre au même moment si une offre irrésistible d’un tiers est sur la table.
- Pacte d’associés et gestion des conflits familiaux : ce document complémentaire aux statuts définit les droits et obligations des associés, notamment en matière de résolution de conflits. Mais aussi et surtout en cas de maladie, de décès ou en d’application d’une clause de non-concurrence.
- Anticiper la succession ou la transmission : prévoir les modalités de transmission des parts sociales en cas de décès ou de retrait d'un associé est essentiel pour assurer la pérennité de l'entreprise. Dans pareil cas, un pacte de famille sur mesure est recommandé.
Que faire en cas de blocage ?
- Accord amiable : un associé peut choisir de vendre ses parts, soit aux autres associés, soit à un tiers, selon les modalités prévues dans les statuts. Dans 80 % des cas, un accord amiable permet de trouver un accord pour un achat ou une vente.
Afin de protéger les intérêts long terme pour éviter une concurrence déloyale, un détournement de clientèle et ou une délation fiscale, l’accord amiable est un accord transactionnel pour solde de tout compte. Il contient toutes les clauses permettant de préserver vos intérêts long terme.
- Le tribunal : En cas d’absence d’accord amiable, il reste la voie du tribunal. C’est le pire scénario possible. On peut attaquer au tribunal pour créer un effet de levier et provoquer une onde de choc constructive afin d’amener la partie adverse à la table des négociations.
- Dissolution de la société : Si la mésentente paralyse le fonctionnement de l'entreprise, une dissolution judiciaire peut être envisagée, bien que ce soit une solution ultime. C’est vraiment le remède ultime.
Faire appel à un avocat spécialisé en droit des sociétés et en gestion émotionnelle est crucial pour naviguer dans les complexités des conflits entre frères associés. C’est le seul moyen de protéger à la fois l'entreprise et les liens familiaux. Quand on a un cancer, on fait appel à un spécialiste pour se faire opérer. C’est la même chose pour un conflit entre actionnaires à déminer.