Dès qu’on arrive à une certaine maturité business qui regroupe des activités dont le chiffre d’affaires dépassent 10 voire 100 millions d’euros par an, le réflexe « holding » pointe son nez.
Une famille qui détient pareille entreprise et au sein de laquelle ses membres sont actionnaires n’est pas une famille comme les autres. C’est une tribu. C’est un clan. Avec ses propres règles.
Les deux cercles « entreprise » et « actionnaire » s’entrecroisent en permanence et ce, que tous les membres de la famille soient actifs ou non au sein de l’entreprise commune.
Une holding familiale, c’est une famille d’entrepreneurs, de dirigeants et d’héritiers. De génération en génération, des équilibres sont à redéfinir. Parce que – contrairement à ce que certains parents pensent ou font - les enfants ne sont pas à traiter de la même façon.
L’égalité est un mirage à éviter. Les familles comme Arnault, Pinault et Bolloré l’ont bien compris.
Qu’est-ce qu’une holding familiale ?
La société holding est une société détenue par une ou plusieurs personnes d’une même lignée. La holding, c’est la mère. Elle détient des participations dans une ou plusieurs sociétés filles. Le féminin « la mère » et « les filles » est présent à tout niveau, même dans les entreprises les plus patriarcales. Parce que c’est la connexion au féminin qui rend viable et pérenne la continuité du groupement d’entreprises créées.
Sans une attention spécifique aux émotions de chacun et aux ajustements humains à trouver, la holding termine un jour par une implosion inarrêtable.
La holding est perçue d’un point de vue technico-financier et juridique comme un outil de gestion patrimoniale, fiscale et de transmission. Mais, c’est seulement l’arbre qui cache la forêt.
Les enjeux cachés
Des enjeux humains et émotionnels sont omni présents – de façon visible ou invisible et de façon consciente ou inconsciente - que ce soit pour le frère, la sœur, l’oncle, la tante, le cousin, la cousine, le neveu ou la nièce. Chacun doit trouver sa place et si nécessaire déconstruire des liens toxiques liés à des fonctionnements transgénérationnels.
Les types de holding familiale
Il existe deux grandes sortes de holdings : l’animatrice et la belle dormante.
La holding animatrice
C’est celle qui participe activement à la gestion des filiales :
– Stratégie,
– Finance,
– Ressources humaines.
C’est elle qui insuffle à chaque pôle d’activité sa vision et son énergie.
Elle cadre les directions à prendre et tranche dans le vif quand ça déraille ou quand il y a une opportunité : vente d’un pôle d’activités, restructuration et ou rachat d’actions propres.
La holding passive
Elle détient les titres des filles sans rôle opérationnel. Chaque année, les dividendes remontent des filles vers la mère. Et la mère grandit étape par étape.
Souvent, les associés/actionnaires appartiennent à une même branche d’une même famille.
Leurs objectifs principaux dictés de génération en génération est de centraliser la gestion, transmettre, optimiser la fiscalité. C’est l’iceberg.
Les raisons séculaires et immuables invoquées pour faire pareil montage sont à chaque fois les mêmes mises en avant, en premier lieu :
La fiscalité
Un régime mère-fille intéressant avec une exonération à 95 % des dividendes reçus de filiales, seule une quote-part de 5 % imposée.
Une intégration fiscale permet ainsi de compenser des bénéfices et des déficits éventuels entre filiales du groupe : l’activité de la sœur qui cartonne et celle du frère qui ralentit.
Ces montages évoluent au gré de la fiscalité et des gouvernements. Une chose reste au fil du temps : le besoin d’optimiser pour sécuriser la valeur créée.
La transmission du patrimoine
Le démembrement (nue-propriété/usufruit) pour continuer à traiter – en apparence - tous les enfants sur pied d’égalité. Ce piège à c*n sur lequel je reviendrai dans un article dédié à l’exit familial.
Le pacte Dutreil permet aussi depuis longtemps une exonération partielle des droits de succession/donation si conditions respectées.
L’organisation
Deux enjeux majeurs sont récurrents :
– Centraliser le pouvoir décisionnel pour éviter l’indivision.
– Simplifier la gouvernance familiale avec des règles compréhensibles et faciles.
La protection patrimoniale
La séparation du patrimoine personnel et professionnel permet d’avoir une gestion des risques.
Les formes juridiques possibles
Quelle que soit l’évolution des lois, une constante reste immuable : trouver le véhicule juridique permettant la plus grande flexibilité pour organiser le pouvoir et le contrôle de génération en génération. Que ce soit, la société de droit commun, la société en commandite simple ou la SAS ou la SARL ou la SCI, chacun famille choisit en fonction de ses préférences.
L’équilibre est à trouver entre la souplesse juridique de la structure choisie et la volonté d’ajuster les rôles de chacun.
Au-delà de la forme juridique choisie, les dirigeants et les héritiers ne jurent que par le sacrosaint « pacte de famille » qui édicte les codes et les règles à respecter. Ce pacte de famille est bien gardé en interne.
Les grandes familles le font respecter de génération en génération en protégeant leurs progénitures et en tenant à distance certaines pièces rapprochées trop ambitieuses.
Les réflexes à développer pour trouver les bonnes formules se focalisent sur les sujets suivants :
– Analyse des objectifs (fiscaux, patrimoniaux, succession).
– Choix du régime fiscal (IS, mère-fille, intégration fiscale).
– Apport en capital (numéraire, titres de société, biens immobiliers).
– Rédaction des statuts (clauses d’agrément, préemption, droits de vote différenciés).
– Mise en place d’un pacte d’associés familial pour anticiper les conflits.
Le fil conducteur sur le plan fiscal est l’existence d’une réelle substance économique dans la holding pour minorer tout risque d’abus de droit.
Les défis à relever
Contrairement à ce que les parents pensent, quand la structure est créée, les équilibres définis sur papier devant notaire, avocat d’affaires et réviseur ou expert-comptable n’existent pas encore.
C’est seulement à ce moment-là qu’il convient de redoubler d'efforts et de prudence pour se comprendre et continuer la réussite remarquable de la famille en évitant un double piège :
Une complexité administrative et juridique excessive
« Créer une usine à gaz » rend sa mise en exécution difficile en pratique. Je ne compte plus le nombre de fois où des dirigeants qui me consultent constatent ne pas avoir compris ou lu le montage qu’ils ont signé ou duquel ils ont hérités. Il convient de faire simple et efficace.
Les risques de conflits familiaux
Une gouvernance peut être fonctionnelle sur papier. En pratique, si des liens familiaux malsains historiques existent renvoyant les protagonistes à leur blessure liée à une enfance difficile ignorée ou passée sous silence, ça ne fonctionne pas.
Pérenniser une holding familiale demande une connaissance profonde de chaque membre de la famille et de leurs attentes respectives. Un lieu feutré où chacun peut trouver sa juste place.
À défaut, il y a des désaccords sur la gouvernance, dividendes, la stratégie et la succession pouvant conduire à des séparations. Des outils de prévention existent en mixant le juridique (pacte d’associés et statuts clairs) et l’humain (connaissance de l’ennéagramme de chaque membre et espace de médiation familiale).
Conclusion
La holding est un outil magique incontournable à simplifier. En traitant ses aspects émotionnels, opérationnels, juridiques et financiers, les familles sont sereines pour réussir.
La transmission progressive grâce à l’anticipation de la sortie d’indivision entre héritiers sont nécessaires à chaque étape clé de vie d’une holding.
Le rôle de l’avocat est multidimensionnel pour sécuriser la rédaction des documents, leur compréhension par chaque membre de la famille et leur mise en place en pratique.