Un associé veut quitter la société : comment faire quoi et quand ?

Une séparation mal gérée, c’est 100.000 euros d’honoraires d’avocat et 24 mois de procès sans la moindre garantie de résultat. Vous l’avez compris. Vous jouez gros dans votre transition.

Le départ d’un associé, qu’il soit anticipé ou soudain, est une étape sensible de votre vie et celle de votre entreprise. Il soulève des questions de droit, d’organisation interne, et parfois de stratégie ou de conflit latent. Bien gérer cette situation permet de préserver la stabilité de vos intérêts et celle de la société.

Les 3 réflexes avant de se séparer

Vous ne savez pas si vous allez vous séparer ou pas. Vous doutez. C’est normal. Voici 3 réflexes pour protéger vos intérêts le temps de votre décision pour vous protéger du pire :

Changez de banque pour votre argent privé.

Souvent, les associés et leur société ont la même banque pour le privé et le pro. L’autre sait où est votre cash. Il peut saisir et bloquer votre compte perso. Cas vécu.

Faites un backup complet des données importantes et des codes de l’entreprise.

Vider le google drive commun de la société pour faire chanter son associé(e) est fréquent.  A ce moment-là, vous n’avez plus accès à rien.

Créez une nouvelle boite email non connue de votre associé.

Avoir accès aux échanges confidentiels avocat client de son adversaire est un jeu d’enfants. Vous utilisez votre boite email pro. Votre associé la connait. Il a les codes.

Prudence dans tous vos contacts pour préparer la transition.

Les premiers réflexes juridiques : vérifier les statuts et le pacte d’associés

Clauses statutaires :

Avant toute chose, il est nécessaire de consulter les statuts de la société. Parfois, ce document est bien rédigé et prévoit des clauses spécifiques en cas de départ volontaire tel qu’une clause de retrait, une clause de préemption ou d’agrément ou une clause d’exclusion. J’utilise l’adverbe « parfois ». Parce que bien souvent, rien n’est prévu et il s’agit d’être créatif pour avoir une transition fluide.

Pacte d’associés :

Ce document complémentaire, s’il est bien conçu, contient :

  • une causes de bad leaver et ou de justes motifs pour une séparation.
  • les modalités d’exclusion fixant le prix des parts de la personne exclue.
  • les modalités pour une sortie volontaire pour valoriser les parts du sortant.
  • une méthode de valorisation des parts en cas de retrait forcé ou d’exclusion.
  • une clause de médiation avant l’élection du tribunal compétent.
  • Société à 2 associés : attention au blocage

Si les associés sont à 50/50, c’est magique quand ça fonctionne et c’est tragique quand ça plante. Si les statuts et ou le pace d’actionnaires ne prévoient pas une clause buy and sell sur mesure (procédure shotgun) permettant de résoudre rapidement le différend, le bras de fer entre associés peut se terminer par une faillite de l’entreprise.

Des solutions alternatives, comme une scission, un rachat d’actions propres ou une réduction de capital, sont des pistes alternatives. Tout est possible quand l’avocat spécialisé arrive à déminer l’excès émotionnel lié au conflit entre actionnaires.

Organiser la sortie volontaire de l’associé

Étapes à suivre :

  • Négociation entre associés : accord sur la date du départ (démission comme mandataire social), le calendrier de transition et les modalités de rachat.
  • Valorisation des parts : à l’amiable ou via un expert-comptable/commissaire aux apports. Au plus c’est clair dans le pacte ou les statuts, au moins de temps ça prend. L’expertise judiciaire est à éviter si possible parce qu’elle est longue et énergivore. Un spécialise des chiffres peut présenter une valorisation avec un coefficient de 10 à la hause ou à la baisse d’un dossier à l’autre. On a tendance à oublier qu’un homme d’affaires aguerri joue avec les chiffres très facilement quand il est de mauvaise foi et bien conseillé. Prudence.
  • Rédaction d’un acte de cession : acte sous seing privé ou acte notarié selon les cas. Une simple cession ne suffit. Il est vital de prévoir un protocole d’accord transactionnel vidant tous les litiges (compte courant, risque fiscal (risque de délation), dénigrement, non-concurrence et débauchage).
  • Formalités juridiques : modification des statuts, enregistrement au greffe, publication dans les organes officiels compétents.
  • Qui peut racheter les parts ?

    • Les autres associés,
    • Un tiers (soumis à agrément dans certains types de sociétés),
    • La société elle-même (suivi d’une réduction de capital – avec un remboursement adéquat des droits sociaux - ou un rachat d’actions propres).

Attention aux dettes ou garanties :
L’associé sortant reste responsable de ses engagements passés (notamment en cas de caution personnelle), sauf clause contraire ou accord spécifique. C’est un point sensible à ne pas oublier quand on est du côté vendeur.

De même du côté acheteur, il est nécessaire de bien sécuriser l’argent sur le compte de la société pour éviter un retrait malicieux du vendeur qui encaisserait deux fois sa mise et se ferait la malle à l’étranger.

Cas particuliers à anticiper

Associé dirigeant : Il est important de distinguer le mandat social du statut d’associé. Le retrait comme associé ne met pas automatiquement fin au mandat de gérant ou président.

Associé salarié : La rupture du lien d’associé ne met pas fin automatiquement au contrat de travail, et vice-versa. Il est vital de traiter chaque lien séparément.

Conflit ou mésentente sur le départ : Si l’associé ne trouve pas d’accord avec les autres associés, la cession peut être bloquée. Il faudra envisager une stratégie plus musclée avec la méthode bulldozer si nécessaire. Tout est une question de dosage et de stratégie émotionnelle et opérationnelle pour atteindre son objectif.

Que faire si aucun accord n’est trouvé ?

Dissolution de la société pour mésentente grave : Si le désaccord paralyse totalement le fonctionnement de la société, un juge peut prononcer la dissolution judiciaire pour justes motifs. C’est l’ultime remède à éviter.

Nomination d’un mandataire ad hoc : En cas de blocage, un mandataire peut être désigné par le tribunal pour organiser la sortie ou gérer temporairement la société. C’est utile en cas de décès du mandataire de la société. Idem en cas d’abus de majorité ou de minorité si l’associé lésé souhaite retrouver un impact positif sur la conduite de la société.

Et c’est fréquent dans des actionnariats 50/50 provoquant une paralysie totale du fonctionnement de la holding familiale, la société opérationnelle ou la société civile immobilière.

Procédure de retrait ou d’exclusion judiciaire : dans certains cas, un associé (minoritaire, égalitaire ou majoritaire) peut demander au juge l'autorisation de se retirer, si son maintien dans la société est devenu intenable.

Le départ d’un associé est une opération sensible à traiter avec rigueur juridique, diplomatie et stratégie. Pour éviter les tensions, tout repose sur l’anticipation et le timing : protéger votre argent et votre pouvoir dans la société, avoir des statuts bien rédigés et un pacte d’associés solide. Réaliser ce qui se passe dès les premières gouttes de l’orage.

L’intervention d’un avocat spécialisé expérimenté est déterminante pour votre transition.

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